MAÎTRE DENAIN ARTHUR

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Le handicap de la victime et le préjudice moral de ses proches

Le dommage subi par la victime pourra impacter son entourage familial, ses proches et donner lieu à la reconnaissance d’un préjudice appelé « préjudice d’affection ».

La nomenclature Dintilhac, qui organise les postes de préjudice pouvant être sollicités à la suite d’un dommage corporel, décrit le préjudice d’affection des proches de la victime directe survivante comme le « préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur de la déchéance et de la souffrance de la victime directe. Il convient d’inclure à ce titre le retentissement pathologique avéré que la perception du handicap de la victime survivante a pu entraîner chez certains proches. »

La preuve de la réalité de ce préjudice d’affection devra être rapportée par ceux qui souhaitent en obtenir l’indemnisation.

 Se pose alors la question de savoir si l’indemnisation des proches, c’est-à-dire « les victimes indirectes », est fonction de la gravité du handicap de la victime directe.


Cette question peut paraître brutale ou déplacée.


Elle ne se pose généralement pas lorsque la victime est lourdement blessée et que les médecins experts retiennent d’importantes séquelles. Dans ce cas, l’existence d’un préjudice d’affection est peu ou pas contestée par les parties.

Mais elle se pose lorsque le contexte du dommage et les séquelles de la victime sont considérés, par les compagnies d’assurance et le Fonds de Garantie, comme étant de faible gravité. 

Concrètement, la douleur, la déchéance ou la souffrance de la victime directe ne seront pas considérées d’une gravité telles que le préjudice moral des proches qui en ont été les témoins justifie d’être réparé.

Heureusement, depuis quelques années la Cour de cassation s’est prononcée en faveur des victimes indirectes.

Depuis 2017, la Cour de cassation censure les Cours d’appel qui reconnaissent la souffrance de la victime directe, l’indemnise, mais rejettent les demandes des proches au titre de leur propre préjudice moral.

Elle rappelle qu’un préjudice moral ou d’affection ouvre droit à réparation des proches dès lors qu’il est caractérisé, quelle que soit la gravité du handicap de la victime directe.


La juridiction suprême le rappelle avec force, l’indemnisation du préjudice d’affection n’est pas subordonnée à l’intensité du handicap de la victime directe.


Ce qui importe, c’est que le proche qui sollicite l’indemnisation de son préjudice d’affection en rapporte la preuve. 

Charge alors à l’avocat de justifier l’existence du préjudice d’affection des proches, étant rappelé que la preuve peut en être rapportée par tous moyens, notamment via les attestations des victimes indirectes qui sont recevables et qui pourront décrire, avec leurs mots, ce qu’ils ont vécu et vivent encore depuis le dommage de la victime directe.

Ces proches pourront ainsi décrire l’impact qu’a eu l’évènement sur leur vie familiale, sociale et professionnelle, leur implication aux côtés de la victime directe, leurs inquiétudes, s’ils ont eu besoin d’être accompagnés par un ou plusieurs médecins, si des arrêts de travail ou des médicaments ont été prescrits, s’ils ont été dirigés, par exemple, vers un psychologue ou un psychiatre.

Les écrits des soignants consultés par les proches seront importants. Ils décriront le retentissement du dommage sur l’entourage de la victime directe et la façon dont chacun a vécu l’évènement et ses suites.

Pour les victimes indirectes les plus jeunes, faute d’attestation en raison de leur âge, l’avocat pourra par exemple produire les dessins qui matérialisent leurs souffrances ou les petits mots qu’un enfant aura pu écrire à un parent, une sœur ou un frère blessé.


En conclusion : il est heureux de constater que la Cour de cassation maintient sa position en rappelant régulièrement sa jurisprudence au soutien des victimes par ricochet. Ces décisions récentes doivent être saluées.Il appartient aux avocats de victime de continuer à solliciter la reconnaissance de ce poste de préjudice pour faire évoluer la position des compagnies d’assurances et du Fonds de Garantie.


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